Reportage : Le CENTQUATRE rend public l’entrainement artistique

Au Centquatre, avant même que le rideau se lève, le spectacle est déjà là. Ce lieu de diffusion culturel du 19e arrondissement met ses espaces communs à disposition des artistes. Depuis 2008, professionnels et amateurs viennent s’y entraîner, au yeux de tous.

Le Centquatre accueille des artistes venus s’entraîner, du mardi au dimanche
photographie de communication du Centquatre

De l’extérieur, le 104 rue rue d’Aubervilliers paraît vide en semaine. Dans le silence hivernal, c’est en fait à l’intérieur que le lieu prend vie. L’entrée à gauche, donne sur une allée longée par d’épais rideaux de théâtre. La chaleur du lieu se mêle à l’odeur réconfortante des grands tissus poussiéreux. Difficile de voir ce qu’il se passe, mais l’on devine déjà l’animation du lieu, avec la musique hip-hop au loin. 

Après quelques pas pour rejoindre l’allée centrale, on découvre des artistes en plein entraînement. Un homme, oisif, raconte «  À chaque fois que j’ai un peu de temps, je passe ici. J’aime bien voir s’ il y a de nouvelles têtes. » Il ajoute : « J’aime bien regarder la danse, quand t’as un coup de blues, tu passes ici et ça t’envoles ». En face, la verrière en forme d’arche de la seconde entrée, rue curiale, éclaire la scène.

Répétitions plurielles 

Danse, patins à roulettes, acrobaties, jonglages… Tout le monde peut venir s’exercer gratuitement dans cet espace dédié. Il y a plein de personnes différentes, mais le fait qu’elles s’entraînent au même moment donne une impression de groupe plus qu’éclectique. À gauche, un duo de danse mi-groove mi-samba répète devant un écran miroir. La femme et l’homme balancent leurs longs cheveux attachées au gré des pirouettes et des déhanchés. Ils s’arrêtent et stop la musique pour réfléchir, puis reprennent. Un peu plus loin, deux jeunes femmes semblent leur faire écho : elles dansent le hip-hop mais donnent l’illusion d’être en rythme avec la samba. 

Sur la plateforme principale en plein centre, quatre patineurs à roulettes déambulent sous les directives du plus âgé. Un peu plus loin, les balles blanches de jonglage côtoient les massues multicolores. Après une énième chute de balles sur le sol, un vétéran s’accroupit près du jeune jongleur pour le conseiller. À 45 ans, Olivier est un habitué du Centquatre « Je suis constructeur de décor, et je jongle par passion. On se retrouve avec les autres trois à quatre fois par semaine. Ça fait depuis 2010 que je viens.» 

Partager l’espace

En semaine il n’y q pas encore trop de monde, mais le weekend, la notion de respect de l’espace est plus que jamais de mise. Olivier précise «C’est toujours les même gens sympas, et les même gens pénibles qui mettent la musique trop forte». Quelques mètres plus loin, un danseur confirme avec un sourire, qu’il faut en effet bien garder sa place. Pour le groupe d’étudiants comédiens qui vient d’arriver, cela fait partie du jeu.
Une des étudiantes raconte, amusée :  « On s’entraîne ici parce que c’est gratuit, et juste à côté du cours Florent. il y a des gens qui sont bruyants mais nous aussi on est bruyants alors… »

Les solitaires et les spectateurs

Les rires des étudiants feraient presque oublier ceux qui s’entraînent en solitaire. Un homme s’étire sur le sol en étoile de mer et observe d’un œil distrait les visiteurs, l’air tout à fait sérieux. Ces cavaliers seuls semblent imperturbables. Un acrobate un peu plus loin, dépose sur le sol deux petits carrés de bois, et s’élance avec une lenteur maîtrisée. La tête à l’envers, il évoque la grâce des oiseaux échassiers en quelques mouvements de jambes soutenus par son corps musclé. Par moment il s’arrête, et se repose pensif, dans un des transats rouges qui borde la plateforme. 

Autour des artistes qui s’entraînent, il y a ceux qui prennent une pause, et puis aussi les simples observateurs. Deux femmes déjeunent dans un coin, assises en tailleur sur le sol à côté d’un transat. En face, un homme et une femme discutent, adossés à des poteaux. Au milieu du brouhaha, un vieux monsieur en doudoune bleu, traverse, penaud, la plateforme. Il s’installe dans un des mini-sièges de plage rouge, et lève sa tête dégarnie vers l’ensemble artistique. À travers ses grosses lunettes carrées noires, il regarde, attentif.

Les spectateurs peu nombreux se font discrets, humbles observateurs des progrès des artistes. Ces derniers, plus ou moins amateurs, se savent observer. Mais ici, c’est leur lieu pour s’entraîner ; alors sans se soucier des regards, les artistes travaillent à exprimer leur art. 

Sophie Schorderet

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