La représentation de l’histoire coloniale dans l’urbanisme : un défi pour les capitales portugaises et françaises

À Lisbonne comme à Paris, la représentation de l’histoire coloniale est amenée à se traduire dans l’urbanisme. C’est un enjeu de taille pour deux pays qui peinent à reconnaitre les horreurs de leur passé coloniaux respectifs.

Statue de la mulâtresse Solitude : héroïne emblématique de la lutte contre l’esclavagisme en Guadeloupe,
Paris 17ᵉ arrondissement – photographie de Joséphine Brueder

La majorité des personnes qui migrent au Portugal et en France sont des personnes afro-descendantes, originaires de pays anciennement colonisés par les deux puissances européennes. Au Portugal en 2021, 32,7% des immigrés en situation de séjour légal étaient brésiliens, et 15,36 % étaient africains. En France, 47,5% des immigrés sont nés en Afrique. De ces populations émergent un besoin de représentation et de reconnaissance de l’histoire coloniale. 

Pour Naky Gaglo, guide de l’African Lisbon tour, les aménagements urbains de Lisbonne en référence à l’histoire coloniale ne représentent pas les populations afro-descendantes. Il prend l’exemple de la statue du général abolitionniste Marques Sa Da Bandeira :  « On ne voit pas que les femmes de la statue sont noires. Quand les gens passent à coté de ce monument, ils voient des personnes blanches, avec au sommet, un général ». Selon lui, le Portugal romance l’histoire coloniale, nie l’esclavage, et simule seulement, la représentation des populations noires. 

Ines Henriques, agent au pôle urbanisme de Lisbonne, explique que la question de la représentation de l’histoire coloniale a plutôt lieu dans le débat public. Selon elle, le sujet est difficile à aborder  : « pour la majorité des gens, ce n’est pas le rejet de l’histoire. On a eu des guerres coloniales dans les années soixante-dix, ça a été très violent pour les familles portugaises, c’est pour ça qu’on en parle pas beaucoup ».

À Paris diverses représentations mémorielles ont été érigées en hommage aux victimes de la colonisation et de l’esclavage. Selon le spécialiste de l’histoire panafricaine Amzat Boukari-Yabara, cela s’explique par le fait qu’il n’y a pas eu -sauf avec l’Algérie- de rupture nette entre pays colonisateurs et pays colonisés. Les Antilles sont par exemple passées du statut de colonies françaises au statut de départements outre-mer français. Pour l’historien, les représentations mémorielles sont dues à la mobilisation des premiers concernés. 

Amzat Boukari-Yabara cite l’exemple d’un projet mémoriel récemment abandonné pour expliquer qu’il n’y a pas vraiment de volonté politique dans ce sens là. Un monument avec 200 000 noms d’esclaves devait voir le jour en 2020 au jardin des tuileries. Bien qu’annoncé publiquement par Emmanuel Macron, le projet n’a pas aboutis. Le Portugal et la France ont ainsi encore tout deux du chemin à parcourir, pour une meilleure représentation de l’histoire coloniale.

Sophie Schorderet

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